Stratégie nationale hydrogène : l’Etat abaisse à 4,5 GW l’objectif d’installations d’électrolyse pour 2030
A l’occasion du Comité interministériel de l’Innovation, qui s’est tenu le 10 avril 2025, le Premier ministre a annoncé l’actualisation de la stratégie nationale hydrogène. Constatant un démarrage plus lent que prévu, le gouvernement a abaissé les objectifs de développement de la filière, visant désormais 4,5 GW d’installations d’électrolyse pour 2030 au lieu de 6 GW initialement et un nouvel objectif de 8 GW installés en 2035 au lieu de 10 GW en raison du décalage prévisible du marché et du temps de développement technologique encore nécessaire.
Lancée en 2020, la stratégie nationale hydrogène définit des objectifs de développement de l’hydrogène bas-carbone au service des souverainetés énergétique et industrielle de la France. Cette révision prend acte des évolutions structurantes intervenues ces cinq dernières années sur une chaîne de valeur clé pour la réduction des émissions de dioxyde de carbone d’un ensemble d’industries lourdes et de modes de transports fortement émetteurs.
Bilan de la stratégie hydrogène française : 150 projets soutenus depuis 2020
Cinq ans après le lancement de sa stratégie initiale, l’Etat a soutenu plus de 150 projets concernant l’hydrogène, notamment avec France 2030, qui permettront le développement, d’ici 2030, de 8000 emplois directs. Le soutien de projets structurants sur l’ensemble de la chaîne de valeur des équipementiers permettra d’assurer d’ici 2030 l’installation sur le territoire d‘usines de production d’hydrogène à Fos-sur-Mer, dans la Vallée de la Chimie et autour du Havre-Estuaire de la Seine. La mise en œuvre du Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC) pour l’hydrogène a permis le déploiement sur le territoire d’une vingtaine de projets structurants dans les équipements (gigafactories d’électrolyseurs, de piles à combustible, de réservoirs hydrogène) et de premières productions conséquentes d’hydrogène pour différents usages industriels (pétrochimie, ammoniac, etc.). La stratégie déployée par le gouvernement couvre tout le spectre de la R&D fondamentale jusqu’à l’industrialisation.
Si les premiers résultats montrent un potentiel prometteur pour la filière, la mise en œuvre des solutions de réduction des émissions de dioxyde de carbone par l’hydrogène prend du temps. La filière gagne progressivement en maturité technologique et économique, lesquelles sont nécessaires pour un déploiement massif des solutions hydrogène. Dans le même temps, la filière est confrontée à plusieurs évolutions structurelles, notamment la concurrence internationale et les avancées rapides d’autres modes de décarbonation.
Dans ce contexte, l’État adapte son action en révisant sa stratégie nationale hydrogène afin de capitaliser sur les apprentissages des dernières années et de poursuivre le développement de la filière, qui achève une première phase de maturité sur la base des actions lancées en 2020.
Dans ce cadre les nouvelles orientations portent sur :
- Un lissage des objectifs d’installation d’électrolyse sur le territoire sur le temps long, avec jusqu’à 4,5 GW visés pour 2030 et un nouvel objectif de 8 GW installés en 2035 en raison du décalage prévisible du marché et du temps de développement technologique encore nécessaire.
- La maîtrise de l’ensemble des équipements de l’hydrogène et de ses technologies sur toute la chaîne de valeur, en continuant à assurer l’industrialisation des projets précédemment soutenus et en renforçant l’intégration de l’écosystème autour des industriels français.
- Le déploiement en France d’infrastructures de transport de l’hydrogène bas-carbone au sein des hubs hydrogène. Le développement d’un réseau « intra-hubs » est prioritaire pour connecter les producteurs et consommateurs, notamment pour les hubs de Fos-sur-Mer, Havre-Estuaire de la Seine, de la Vallée de la chimie, et pour leur connexion aux capacités de stockage.
- La garantie des conditions cadres nécessaires au développement de la filière hydrogène française, en matière d’accès aux compétences, d’accès au foncier, de délais des procédures, de développement d’un cadre réglementaire complet, lisible et stable, ou encore de raccordement électrique. Pour ce dernier, il s’appuiera sur les dispositifs introduits par la loi APER.
Concrètement, l’Etat adopte plusieurs mesures pour poursuivre ses efforts précédemment engagés, notamment :
- Un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène bas-carbone de 4 milliards d’euros est mis en place pour sécuriser sur 15 ans la compétitivité de l’hydrogène bas-carbone par rapport à l’hydrogène fossile.
- La relance de l’Appel à Projets « Briques Technologiques de l’Hydrogène IDH2 » opéré par l’ADEME pour le compte de l’État permettra de poursuivre le soutien au développement de certains éléments critiques des technologies de l’hydrogène.
- Un nouvel appel à projets pour le déploiement des véhicules utilitaires hydrogène a été annoncé simultanément à la révision de la stratégie hydrogène. A travers un soutien à l’achat de véhicules utilitaires légers en 2025, il s’agit de favoriser le développement technologique de piles à combustible et des réservoirs.
- Des mesures de soutien aux études des projets de carburants de synthèse sont également annoncées. L’ambition de la France est de faire émerger d’ici 2030 des premières productions industrielles de carburants de synthèse pour l’aérien et le maritime.
L’Etat réaffirme son engagement et annonce le soutien de projets structurants pour la filière :
Décarbonation de l’industrie et de l’énergie : L’Etat a annoncé le soutien à deux nouveaux projets clé de décarbonation, lesquels bénéficient d’aides publiques dans le cadre du PIIEC Hydrogène : « Green Horizon » (Lhyfe/Yara) pour l’ammoniac, et « Masshylia » (Total/Engie) pour la raffinerie.
Développement de la chaîne de valeur : Un nouveau projet est soutenu dans le cadre du PIIEC, porté par l’équipementier Gen-Hy, qui industrialisera à Allenjoie (Doubs) sa technologie de rupture des membranes échangeuses d’anion (MEA) pour les électrolyseurs, afin de produire de l’hydrogène bas-carbone.
Mobilités à hydrogène : Les lauréats de l’Appel à Projets « Carburants Aériens Durables » (CARB AERO) de France 2030 ont été annoncés.
Formation aux compétences : en Bourgogne Franche Comté, le projet « Ecole H2 » propose de développer et de structurer les 90 formations qui délivrent déjà des enseignements sur l’hydrogène. Ce projet est soutenu par France 2030 à hauteur de 6 M€ pour un montant total d’investissement de 14,9 M€.
Télécharger le dossier de l’actualisation de la stratégie nationale hydrogène (30 pages)
Lhyfe confirme l’attribution par l’Etat français d’une subvention historique de 149 M€
L’annonce de la révision de la stratégie nationale hydrogène a plutôt été bien accueillie par la jeune profession. Ainsi, Matthieu Guesné, fondateur et p-dg de Lhyfe, a déclaré : « La publication de la stratégie nationale hydrogène française est une excellente nouvelle pour nos marchés français et européen. Nous l’attendions depuis plusieurs mois, elle va offrir le cadre et la visibilité dont les acteurs de l’écosystème ont besoin pour prendre leurs décisions et avancer. En se fixant un objectif de production réaliste de 4,5 GW d’ici 2030, et en adossant à cet objectif des subventions et un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène bas carbone et renouvelable, l’Etat se dote des outils à la hauteur de ses ambitions. La France compte des acteurs majeurs de la filière qui permettront de renforcer l’ensemble de la chaine de valeur et positionner notre pays comme leader en Europe ».
Il est vrai que le Premier ministre a confirmé l’octroi à Lhyfe, l’un des pionniers mondiaux de la production d’hydrogène vert et renouvelable pour la mobilité et l’industrie, de la subvention d’un montant total de 149 M€, allouée à sa future usine de production d’hydrogène vert située à proximité du Grand Canal du Havre, d’une capacité pouvant aller jusqu’à 34 tonnes / jour. En 2022, la Commission européenne avait sélectionné ce projet baptisé “Green Horizon” dans le cadre de la 3e vague de PIIEC (Projets Importants d’Intérêt Européen Commun) sur l’hydrogène. En mars 2024, l’Etat français avait annoncé sa décision d’accorder cette subvention à Lhyfe.
Il s’agit de la plus importante des trois aides annoncées lors de cette révision de la stratégie hydrogène. Avec ce projet de grande ampleur, Lhyfe doit franchir la barre des 100 MW de capacité d’électrolyse installée. L’entreprise percevra d’ici juin 2025 une première avance de 18 M€ qui lui permettra de couvrir les investissements déjà réalisés depuis 2022 et lancer les suivants.
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