Soutien aux EnR : la France doit mieux faire, selon la Cour des Comptes
La transition énergétique a un coût, l’évolution et la modernisation de nos infrastructures énergétiques existantes aussi. Quelqu’un en aurait-il douté jusqu’ici ? Avec son rapport sur le soutien au développement des énergies renouvelables (EnR) effectué à la demande du Sénat, la Cour des Comptes se positionne clairement « à charge » et évite de comparer différents scénarios (ce n’était sûrement pas le but de l’enquête). Elle constate que les importants moyens financiers de soutien – 5,3 milliards d’euros en 2016 et 7,5 milliards d’euros attendus en 2023 – bénéficient principalement aux EnR électriques, et donc au photovoltaïque, mais reconnaît qu’ils résultent pour l’essentiel des politiques d’avant 2011. Pour l’avenir, elle demande plus de cohérence, de concertation, d’efficience, de transparence … et émet des orientations et recommandations avec le souhait, comme point positif, d’un réel effort financier pour les EnR thermiques !
Ce denier point fait d’ailleurs l’unanimité parmi les acteurs des énergies renouvelables. Il est question d’un doublement du Fonds Chaleur depuis des années, il serait temps de le concrétiser. Le rapport est téléchargeable en cliquant ici
La Cour des Comptes note cependant que le déploiement des énergies renouvelables observé au cours de la dernière décennie est significatif : leur volume dans le mix français a progressivement augmenté, passant de 9,2% dans la consommation finale d’énergie en 2005 à 15,7% fin 2016*. Enfin, malgré les efforts réalisés, elle constate : un retard dans la réalisation des objectifs ambitieux fixés (23% en 2020, 32% en 2030) ; un déséquilibre des moyens financiers entre les différentes filières de production ; peu de bénéfices pour le tissu industriel français. Elle écrit dans son rapport que, « contrairement à d’autres États européens, la France n’est pas parvenue à se doter de champions dans ce secteur. Une clarification des ambitions industrielles françaises en matière d’EnR s’imposerait donc, au regard des opportunités économiques que la croissance de ce secteur recèle, s’agissant en particulier de nouvelles technologies, telles que le stockage et les réseaux intelligents. » Pour le secteur du photovoltaïque, elle fustige notamment que « la filière industrielle s’est trouvée exposée à une concurrence étrangère agressive » et que « la filière intégrée au bâti a été exposée à des incertitudes sur les réglementations et volumes à pourvoir, ce qui a entrainé faillites et désinvestissements ». A noter que, parmi les faillites et désinvestissements voire les rachats par des concurrents étrangers, elle ne cite presque que des sociétés d’origine étrangère (notamment allemande, en faisant même des erreurs) mais fait l’impasse sur les dépôts de bilans, à la suite du moratoire sur le PV, de sociétés françaises comme Evasol côté installation, ou Elifrance, Fonroche, Solarezo, Tournaire côté industriel (pour ne citer que ces quelques exemples). Elle oublie quelques grandes réussites françaises à l’international (Akuo, par exemple) ainsi que le fait qu’en Allemagne notamment, le tissu industriel du solaire est aussi et surtout composé de grandes PME et qu’il n’est guère question de « champion » outre-Rhin … Enfin, elle ne tire pas non plus la conclusion logique que les coûts à la baisse atteints pour l’électricité de source solaire, reconnue aujourd’hui dans le monde quasiment comme la plus compétitive de toutes les énergies renouvelables, serait sûrement encore loin du niveau actuel sans cette « concurrence étrangère » !
Audition et réaction du SER
La commission des finances du Sénat a organisé une audition pour « suite à donner » à l’enquête de la Cour des Comptes, avec la participation de la CRE, de l’Ademe, du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Ce dernier a, par la voix de son président Jean-Louis Bal, partagé le constat de la Cour et réitéré sa demande de doubler le Fonds chaleur pour porter la part de la chaleur renouvelable de 20% à 38% d’ici à 2030, conformément aux objectifs fixés par la Loi de transition énergétique. S’agissant de l’électricité renouvelable et de son coût, le SER a également souligné que le montant du soutien public correspond, pour l’essentiel, au poids des engagements du passé qui constituent aussi un investissement permettant aujourd’hui de développer de nouvelles capacités EnR pour des coûts de développement très limités. Les résultats des derniers appels d’offres sur le solaire au sol (55 euros/MWh) et pour l’éolien terrestre (65 euros/MWh) montrent en effet que notre pays dispose désormais d’une capacité de développer des projets à des niveaux tout à fait compétitifs avec les autres moyens de production décarbonés. Les efforts de simplification des procédures et d’accélération du rythme des installations souhaités permettront de réduire encore le coût du Kwh. Pour le SER, d’une manière générale, l’engagement ne peut être apprécié du seul point de vue du coût pour la puissance publique. Les investissements ont déjà créé de nombreux emplois et permettront d’en créer encore plus d’ici 2030, tandis que les bénéfices environnementaux et sanitaires peuvent par ailleurs dépasser les coûts du soutien public (cf. une étude de l’Ademe sur l’éolien terrestre).
Concernant le bilan industriel, les différentes personnalités auditionnées ont exprimé la même conviction : avec une politique énergétique stable et ambitieuse, inscrite dans une programmation pluriannuelle, la France peut encore structurer des filières industrielles dans l’éolien et le solaire photovoltaïque notamment, mais aussi pour des technologies en phase de déploiement. Ainsi, la méthanisation, actuellement en fort développement, représente une opportunité de structuration de filière française tout comme les énergies marines renouvelables.
*A titre de comparaison : en Autriche, un pays qui a définitivement abandonné l’idée d’utiliser l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité dès 1978 et l’accident de Tchernobyl, la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale d’énergie a progressé de 23,3% en 2005 à plus de 33% en 2014.
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