Les progrès récents dans l’adoption des énergies renouvelables dans le monde s’essoufflent
La transition des bâtiments, de l’industrie, des transports et de l’agriculture vers les énergies renouvelables est à la traîne au niveau mondial. Seulement 12,7% de l’énergie totale consommée dans ces secteurs provient des énergies renouvelables et il y a un manque inquiétant d’actions politiques ciblées, dénonce un nouveau rapport publiés par REN21. Jusqu’en 2023, seuls 13 pays auront mis en œuvre des politiques en matière d’énergies renouvelables dans tous les secteurs d’utilisation finale. À l’exception de la Chine, l’électrification des secteurs d’utilisation finale stagne dans les plus grandes économies mondiales.
Selon le rapport publié par REN21, les progrès récents dans l’adoption des énergies renouvelables dans la consommation mondiale d’énergie s’essoufflent. Les gouvernements ne parviennent pas à mettre en œuvre les réformes systémiques, la planification stratégique intégrée et l’alignement des politiques nécessaires pour transformer la façon dont les bâtiments, l’industrie, le transport et l’agriculture utilisent l’énergie.
Telle est la conclusion du module sur les énergies renouvelables dans la demande d’énergie du rapport mondial sur l’état des lieux des énergies renouvelables 2024 (Renewables 2024 Global Status Report – GSR 2024) publié par REN21. Ce module est le deuxième d’une série de cinq modules qui seront publiés cette année dans le cadre de la collection GSR 2024. Ce module examine l’état et les tendances de la demande en énergies renouvelables dans l’industrie, les bâtiments, le transport et l’agriculture. L’industrie représente 34% de la consommation totale d’énergie finale, les bâtiments 33%, le transport 30% et l’agriculture 3%.
« La transition énergétique ne se limite pas à l’augmentation de l’offre d’énergies renouvelables. En l’absence de politiques cohérentes et de réformes structurelles visant à accroître l’utilisation des énergies renouvelables et à accélérer l’électrification de l’utilisation de l’énergie, la transition vers les énergies renouvelables et l’abandon progressif des combustibles fossiles ne se produiront pas. Il est clair que les gouvernements n’accordent pas la priorité à la construction de leurs économies autour des énergies renouvelables et, par conséquent, à la réduction des émissions et de la pollution », déplore Rana Adib, directrice exécutive de REN21.
Les plans de relance post-pandémie et les mesures politiques adoptées pour faire face aux crises géopolitiques et énergétiques, notamment la loi sur la réduction de l’inflation aux États-Unis et le plan REPowerEU de l’Union européenne, ont suscité une vague encourageante d’actions et d’investissements dans les énergies renouvelables. Ces crises ont également mis en évidence les avantages des énergies renouvelables en termes d’accessibilité et de fiabilité pour les secteurs d’utilisation finale, qui se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique pour réduire les coûts et assurer la sécurité de l’approvisionnement.
Toutefois, les tendances en termes de politiques incitatives en 2023 ralentissent et l’ambition est réduite dans certains pays. Les objectifs fixés par 69 pays pour les secteurs d’utilisation finale en 2020, ont expiré. Seuls 17 de ces pays ont renouvelé leurs objectifs ou en ont fixé de nouveaux au-delà de 2024, notamment Aruba, le Bénin, la Bosnie-et-Herzégovine, la Bulgarie, le Canada, le Chili, la Colombie, les Îles Cook, le Ghana, la Grenade, le Kosovo, la Libye, les Maldives, le Mexique, la Norvège, la Suède et Trinidad-et-Tobago.
À la fin de 2023, seuls 13 pays, dont la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Italie, les États-Unis, l’Égypte, la Chine, le Viêt Nam, la France, l’Allemagne et l’Inde, avaient mis en œuvre des politiques en matière d’énergies renouvelables dans tous les secteurs d’utilisation finale (bâtiments, industrie, transport et agriculture).
Or, le passage aux énergies renouvelables et l’abandon progressif des combustibles fossiles exigent que les pays mettent en place et appliquent des politiques et des réglementations rigoureuses pour stimuler l’utilisation des énergies renouvelables dans tous les secteurs d’utilisation finale. Ces mesures doivent être prises à l’échelle mondiale et associées à des mesures d’efficacité énergétique et au développement de capacités de production d’énergie renouvelable.
« Ce qui avait commencé comme une bonne nouvelle, à savoir transformer une crise en opportunités, est en train de prendre une direction décevante. Les décideurs politiques sont coincés dans le statu quo, ne parvenant pas à tirer parti du succès de leurs mesures réactives face à la crise par des politiques et une planification cohérentes et stratégiques à long terme. Nous devons de toute urgence réorienter les politiques afin de refléter les changements structurels nécessaires dans les secteurs consommateurs d’énergie », a déclaré Rana Adib.
Pour REN21, les gouvernements doivent interdire l’utilisation des combustibles fossiles, mandater et encourager l’utilisation des énergies renouvelables, par exemple par le biais de codes de construction, de mandats sur les combustibles renouvelables ou d’incitations financières pour les pompes à chaleur, l’agrivoltaïsme ou le biogaz. En outre, il convient d’accélérer le développement d’infrastructures habilitantes telles que les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques ou les systèmes d’énergie de quartier pour le chauffage et la climatisation.
7000 milliards de dollars de subventions aux combustibles fossiles en 2022
Les énergies renouvelables continuent d’être soumises à une concurrence inégale – les subventions aux combustibles fossiles ont augmenté pour atteindre 7000 milliards en 2022, ce qui représente environ 7% du PIB mondial, selon l’Aperçu mondial (Global Overview) du GSR 2024. Cette tendance inquiétante menace la transition rapide des secteurs consommateurs d’énergie vers des sources d’énergie renouvelables décarbonées et plus résistantes. Les gouvernements doivent réorienter ces subventions pour soutenir la transition énergétique, martèle le rapport.
« L’inflation, les taux d’intérêt et les coûts d’investissement élevés, ainsi que les tensions géopolitiques, continueront à perturber les marchés. Les secteurs qui consomment l’énergie mondiale ne seront pas en mesure de remplacer rapidement les combustibles fossiles par des énergies renouvelables, à moins que les décideurs politiques ne fassent preuve de leadership et n’encouragent les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables », a ajouté Rana Adib.
L’engagement pris lors de la COP28 aux Émirats arabes unis de tripler la capacité des énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique d’ici à 2030 est une décision historique. En outre, il devrait stimuler le déploiement de toutes les énergies renouvelables, en particulier dans un secteur de l’électricité en pleine évolution et déjà composé à 30% d’énergies renouvelables.
Pour tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’électricité renouvelable, les secteurs consommateurs d’énergie doivent électrifier leurs activités plus rapidement. À l’exception de l’agriculture, qui a connu une augmentation significative de l’électrification (+ 6,9 points de pourcentage entre 2011 et 2021), le taux d’électrification au niveau mondial ne s’accélère pas suffisamment dans le transport, le bâtiment et l’industrie, malgré des développements positifs dans le déploiement des pompes à chaleur et des véhicules électriques.
Les évolutions régionales sont également inégales : La Chine est le seul pays qui augmente régulièrement la part de l’électricité dans sa consommation d’énergie. La consommation d’électricité en Chine, tous secteurs confondus, est passée de 20% à 30% entre 2011 et 2021 ; au cours de la même période, la part de l’électricité aux États-Unis et dans l’UE s’est stabilisée autour de 23%. L’électrification accrue doit être complétée par l’utilisation de chaleur et de combustibles renouvelables, qui devraient encore répondre à environ 50% de la demande d’énergie d’ici 2050.
« Nous avons besoin de comprendre que la transition énergétique ne se résume pas uniquement à l’électricité renouvelable. Il s’agit avant tout de faire en sorte que la société et l’industrie consomment davantage d’électricité et de ses dérivés pour remplacer les énergies fossiles, et que cette électricité provienne de sources renouvelables. La transition énergétique est un défi centré sur la demande », a déclaré le p-dg d’Acciona Energía Rafael Mateo.
Il y a cependant de bonnes nouvelles : malgré un manque de soutien politique et réglementaire, les secteurs consommateurs d’énergie continuent d’adopter les énergies renouvelables. Cette tendance positive pourrait facilement être accélérée par des politiques de soutien ambitieuses.
Dans les bâtiments, les pompes à chaleur remplacent de plus en plus les chaudières à gaz. Au niveau mondial, les installations ont augmenté de 10% en 2023 par rapport à 2022 ; l’Europe a connu une augmentation de 38%. Les pays ont commencé à annoncer des objectifs pour les bâtiments en 2023. Cependant, ces objectifs ont été limités aux nouveaux bâtiments résidentiels et principalement pour les chauffe-eau solaires ou les installations solaires sur les toits.
« Compte tenu des mesures simples qui peuvent être prises pour que les bâtiments et l’environnement bâti au sens large utilisent les énergies renouvelables, le secteur offre aux gouvernements des occasions uniques de montrer qu’ils prennent au sérieux la transition énergétique. Les mesures d’incitation et les programmes de subvention visant à moderniser les bâtiments en les dotant d’énergies renouvelables et en améliorant leur efficacité énergétique peuvent être d’une grande utilité. Malheureusement, la charge des coûts initiaux de modernisation des bâtiments est aujourd’hui principalement assumée par les parties prenantes, ce qui entrave la transformation rapide du secteur vers un système basé sur les énergies renouvelables. Pour l’Afrique, l’accès à l’énergie et l’efficacité énergétique offrent une réelle opportunité de promouvoir une vie digne et prospère d’une manière qui inclut les communautés et leur garantit une meilleure qualité de vie », a déclaré Nasra Nanda, directrice générale de la Kenya Green Building Society et présidente du réseau régional pour l’Afrique du World Green Building Council (Conseil mondial du bâtiment durable).
Des progrès ont été réalisés dans le secteur des transports avec l’électrification des transports publics, l’augmentation des investissements dans les véhicules électriques (VE) et les infrastructures de recharge, l’amélioration de la technologie des batteries et l’extension des réseaux de recharge, qui rendent les VE plus attrayants. Des villes comme Londres et Pékin se fixent des objectifs ambitieux en matière de bus à zéro émission. Les investissements dans les VE et les infrastructures de recharge ont augmenté de 36% en 2023.
Le directeur général de l’Organisation Ferroviaire Mondiale (UIC), François Davenne, note toutefois que des politiques isolées se concentrant sur un ou deux aspects ne permettront pas de décarboniser le secteur des transports.
« Des politiques de soutien vigoureuses ont stimulé des investissements massifs dans les voitures électriques, mais la décarbonisation des transports exige bien plus que cela. Nous avons besoin de politiques intégrées qui garantissent l’accès à des options de transport abordables et durables. Les chemins de fer sont le mode de transport le plus électrifié et continuent à gagner en efficacité et à réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Pour aller plus loin, une planification holistique à long terme, une réforme réglementaire et des programmes sociaux peuvent réduire la demande globale d’énergie, promouvoir l’efficacité énergétique et accroître de manière significative l’intégration des énergies renouvelables », a déclaré M. Davenne.
Dans l’industrie, de nombreuses entreprises explorent des solutions d’énergie renouvelable, notamment le chauffage solaire thermique, la géothermie et les technologies de biomasse, afin de décarboniser leurs activités et de se protéger contre la volatilité future des prix. Les industries à forte consommation d’énergie envisagent de passer des hauts fourneaux aux fours électriques à arc alimentés par des énergies renouvelables, et pilotent des approches innovantes telles que l’injection d’hydrogène dans la fabrication de l’acier. Les secteurs de l’alimentation et du papier utilisent de plus en plus la bioénergie, les pompes à chaleur à l’échelle industrielle et les systèmes solaires thermiques.
Dans l’agriculture, les agriculteurs remplacent le diesel par des mini-réseaux solaires et des pompes à eau alimentées par des panneaux photovoltaïques, ce qui stimule l’électrification rurale et l’irrigation. Compte tenu des divers processus impliqués dans les chaînes de valeur agricoles (agriculture, transformation, stockage et conditionnement), le secteur offre de nombreuses opportunités d’électrification à l’aide d’énergies renouvelables.
REN21 est un réseau mondial composé d’acteurs du secteur des énergies renouvelables issus du monde scientifique et académique, de gouvernements, d’organisations non gouvernementales et de l’industrie. Cette communauté est au cœur de ses activités de collecte de données et de production de rapports. Tous ses travaux, y compris le Rapport mondial sur l’état des énergies renouvelables – Collection 2024, suivent un processus unique d’analyse et de rédaction qui a permis à REN21 d’être reconnu au niveau mondial comme un agrégateur neutre de données et de connaissances.
Depuis la première publication du GSR en 2005, REN21 a travaillé avec des milliers de contributeurs pour mettre en lumière les développements en cours et les tendances émergentes qui façonnent l’avenir des énergies renouvelables. La production de ce rapport annuel est le fruit d’une collaboration entre des centaines d’experts et de contributeurs qui fournissent des données, révisent des chapitres et corédigent le contenu du rapport.
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