L’agri(photo)voltaïque, c’est fantastique !
Pour les terres agricoles, les conflits d’intérêt entre culture et centrales photovoltaïques au sol appartiennent désormais au passé. Le premier bilan d’un site agri(photo)voltaïque* (APV) installé et géré par l’Institut Fraunhofer pour les systèmes solaires (ISE) de Fribourg/Brisgau (Allemagne) sur les terres de la communauté agricole Demeter de Heggelbach à proximité du lac de Constance montre, un an après sa mise en service, que le mariage des deux se passe plutôt bien.
Le site APV-Resola de Demeter (voir notre article) comprend une centrale photovoltaïque de 194 kWc installée sur un terrain de test d’environ 1/3 d’ha. C’est la plus grande expérimentation APV en Allemagne.
« Les résultats de la première année sont probants, la production d’énergie solaire est compétitive même sur de petites toitures, la production agricole est suffisamment importante et commercialement rentable », explique Stephan Schindele, responsable du projet appelé Agrophotovoltaik au Fraunhofer ISE. « La technique APV permet d’exploiter de nouvelles terres à la fois nécessaires pour la production agricole et utiles pour améliorer le bouquet de sources d’énergies renouvelables. Pour aboutir à une solution industrialisable, il faudra néanmoins encore tester différents points comme les dimensions optimales des centrales PV et l’intégration technique, le stockage et le profil de consommation sur site », précise Hans-Martin Henning, directeur du Fraunhofer ISE.
Côté agricole, Demeter a testé la culture de blé d’hiver, de pommes de terre, de céleri et de trèfle. Un plus grand espacement entre les rangées de modules de type bifacial installés sur des structures à cinq mètres de hauteur et leur orientation au sud-ouest a permis d’assurer un ensoleillement homogène des cultures.
Une double récolte plutôt positive
Les premiers résultats en chiffres : pour le trèfle, le rendement s’élevait à peine à 5,3% en-dessous de celui obtenu sur la parcelle de référence alors que les récoltes des autres produits (pommes de terre, blé, céleri) s’affichent en baisse de 18-19%. « Du point de vue agricole, l’APV est une vraie solution pour augmenter à la fois le taux d’exploitation des terres et les sources d’énergies renouvelables mais nous devons encore analyser cette technique sur d’autres types de culture », précise Iris Lewandowski, responsable de la division production durable à l’université de Hohenheim.
Les 720 modules solaires de type bifacial installés chez Demeter à Heggelbach fournissent de l’électricité non seulement à partir de l’ensoleillement direct sur leur face avant, mais aussi à partir des rayonnements réfléchis en provenance de l’environnement sur leur face arrière. Ceci permet d’obtenir jusqu’à 25% d’énergie supplémentaire dans des conditions idéales d’ensoleillement (par exemple sur des terres enneigées). D’un point de vue énergétique, la double utilisation des terres agricoles est de toute façon, selon le Fraunhofer ISE, plus efficiente que la seule culture de plantes énergétiques, un secteur qui occupe déjà 18% du foncier agricole en Allemagne.
L’électricité produite par les 194 kW de PV installés chez Demeter équivaut à la consommation de 62 foyers de quatre personnes (hors chauffage). Sur la première année d’exploitation, la centrale PV a ainsi produit 1266 kWh d’électricité par kW installé, soit 30% de plus que la moyenne de 950 kWh par kW installé en Allemagne.
Le profil de production d’électricité de la centrale PV s’adapte plutôt bien aux besoins quotidiens de la ferme. Le taux d’autoconsommation s’est établi à 40%, l’électricité produite a essentiellement servi à la recharge du véhicule électrique et au traitement/conditionnement des produits agricoles. En été, la production d’électricité solaire a pu couvrir quasiment 100% des besoins de la ferme en journée. Les employés Demeter visent maintenant à hausser le taux d’autoconsommation à 70% en s’équipant d’un système de stockage et en optimisant le profil de consommation. Le surplus de production d’électricité est injecté sur le réseau de l’énergéticien local Elektrizitätswerke Schönau.
Plusieurs grands sites ont été construits de par le monde depuis que l’idée de l’agrivoltaïsme a été présentée en 1981 par Adolf Goetzberger, fondateur du Fraunhofer ISE. Il n’existe cependant que peu de centrales APV expérimentales, susceptibles de donner des résultats probants sur son utilité et les rendements à en attendre. Le projet APV-Resola est le premier à prévoir, sous des conditions réelles d’exploitation, l’analyse de tous les aspects de la technologie (rentabilité économique, technique, social, écologique) d’un site expérimental de façon scientifique. Il est cofinancé par le ministère de l’éducation et de la recherche et par la recherche pour le développement durable. Le projet a pour objectif de mettre au point une technologie d’APV au sol industrialisable. « Pour l’atteindre, nous devons effectuer plus de comparaisons sur les aspects techniques et économiques, démontrer la portabilité du système dans d’autres régions et réaliser des centrales plus grandes », estime Stephan Schindele. « Différents types d’utilisation et de cultures possibles doivent aussi être examinés, notamment en combinaison avec des cultures fruitières et des plantations viticoles, avec ou sans stockage, avec du PV organique et avec des systèmes de traitement et de distribution d’eau à l’énergie solaire. »
*L’agrivoltaïque est un concept associant culture agricole et production d’électricité avec des panneaux solaires surplombant le sol à une certaine hauteur afin de permettre le passage de la lumière jusqu’aux plantes. En Allemagne, le terme le plus couramment employé est « agrophotovoltaïque » (Agro-PV, ou APV). Les serres agricoles intégrant des panneaux solaires en toiture constituent également une forme d’agrivoltaïsme.
Un film du projet se trouve sur le canal Youtube du Fraunhofer ISE. Pour le voir, cliquer ici
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