La capacité installée n’a progressé que de 4% en Europe tandis que les investissements ont chuté de 13% en 2024
Après quatre années de croissance fulgurante, le déploiement du photovoltaïque en Europe a connu pratiquement son premier coup d’arrêt depuis 2020, passant de 53% de croissance en 2023 à seulement +4% en 2024, soit une progression en chute de 92%.
Les perspectives annuelles du marché de l’énergie solaire dans l’Union européenne de SolarPower Europe révèlent en effet que 65,5 GW de nouvelles capacités d’énergie solaire ont été installés en 2024, soit à peine plus que le record de 62,8 GW de 2023. Le parc solaire total de l’Union européenne s’élève désormais à 338 GW, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans, où il était de 82 GW.
« Les décideurs politiques et les opérateurs de systèmes européens peuvent considérer le rapport de cette année comme un carton jaune. Le ralentissement du déploiement de l’énergie solaire signifie un ralentissement des objectifs du continent en matière de sécurité énergétique, de compétitivité et de climat. L’Europe doit installer environ 70 GW par an pour atteindre ses objectifs de 2030 – nous devons envisager des mesures correctives dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard », alerte Walburga Hemetsberger, présidente de SolarPower Europe.
Au niveau national, cinq des dix premiers marchés du photovoltaïque en 2024 ont installé moins de capacité solaire qu’en 2023 (Espagne, Pologne, Pays-Bas, Autriche et Hongrie). Les autres principaux marchés, l’Allemagne, l’Italie, la France, la Grèce et le Portugal, ont affiché une croissance modeste, la plupart ayant installé environ 1 GW de plus qu’en 2023.
Ce ralentissement survient malgré la baisse des prix des composants solaires et des coûts des installations solaires. Les investissements solaires ont chuté pour la première fois de la décennie, passant de 63 milliards d’euros en 2023 à 55 milliards d’euros en 2024, soit un recul de 13%. Cette chute de 13% est attribuée à la baisse des prix des composants, qui a réduit les dépenses d’investissement.
Les projets solaires au sol à grande échelle ont vu leur coût moyen baisser de 28% en 2024. Par ailleurs, la demande de panneaux solaires résidentiels en toiture a diminué en 2024, à mesure que l’impact de la crise énergétique s’estompait. En 2024, les nouvelles installations solaires résidentielles ont ainsi diminué de près de 5 GW par rapport à l’année dernière, avec 12,8 GW installés. Par conséquent, les grandes installations solaires devraient croître plus rapidement que les installations en toiture dans l’UE au cours de la seconde moitié de la décennie.
Si les effets de la crise du gaz s’estompent pour l’instant, un ralentissement des prévisions de production solaire dans les années à venir est imputable à des défis systémiques plus vastes, souligne l’association professionnelle. La faiblesse des taux global d’électrification dans la consommation d’énergie freine la demande et le manque de flexibilité du système énergétique conduit à une production moindre de l’énergie solaire et à des prix négatifs, ce qui compromet la sécurité et la compétitivité énergétiques européennes.
La modélisation montre que davantage d’énergies renouvelables, d’électrification et de flexibilité du réseau (*) peuvent stimuler la compétitivité européenne, en réduisant les prix moyens de l’énergie au jour le jour de 25% d’ici 2030 et de 33% d’ici 2040. Or, le taux d’électrification de l’Europe est bloqué à 23% depuis cinq ans, ce qui laisse la majeure partie du système énergétique dépendant des combustibles fossiles et de la combustion. L’Electrification Alliance appelle à une électrification de 35% d’ici 2030. Parmi les autres outils de flexibilité, il faudrait une multiplication par 16 de la capacité de stockage des batteries de l’Union, passant de 48 GWh aujourd’hui à 780 GWh en 2030.
L’avenir s’annonce ainsi moins brillant que prévu. D’ici 2028, le secteur pourrait installer 82 GW par an, avec une croissance annuelle de seulement 3 à 7%. D’ici 2030, le scénario « moyen » le plus probable prévoit une capacité solaire totale de 816 GW dans l’Union européenne, soit 8% de moins que l’estimation de l’association professionnelle de 890 GW il y a seulement six mois. De plus, pour la première fois, le scénario « bas » de SolarPower Europe pour 2030 prévient que l’Europe pourrait rater son objectif REPowerEU de 750 GW et n’atteindre que 650 GW.
(*) La flexibilité signifie que le système énergétique est utilisé plus efficacement, et donc que moins d’investissements sont nécessaires pour les infrastructures de réseau qui tardent à se construire. La flexibilité du système énergétique est la capacité d’un système énergétique à s’adapter aux conditions changeantes, telles que les variations de l’offre et de la demande. Les principaux moyens sont les réseaux intelligents et interconnectés, le stockage et la réponse à la demande. Les consommateurs, les producteurs d’électricité ou les technologies comme le stockage peuvent utiliser la flexibilité pour ajuster la manière dont ils alimentent le réseau en électricité ou consomment l’électricité du réseau. Cela est important pour répondre aux besoins du réseau ou à la disponibilité solaire. Concrètement, cela implique à une centrale électrique solaire couplée à un stockage sur batterie, ou à une station de charge intelligente qui charge une voiture lorsque le photovoltaïque en toiture produit en abondance.
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