Des cellules solaires à pérovskite sur le marché dès 2019 ?
Dans le photovoltaïque, l’avenir appartient aux cellules solaires à pérovskite*, estime Lux Research. Cette technologie émergente gagne en effet actuellement en maturité. Avec un rendement de conversion dépassant déjà 21% en R&D, le temps est venu pour les coopérations entre des industriels et les laboratoires universitaires, en vue d’une commercialisation des premières cellules solaires à pérovskite qui pourrait intervenir dès 2019 et sûrement avant 2021, affirme la société d’études.
De fait, le rendement de conversion des cellules solaires à pérovskite* a progressé très vite en relativement peu de temps dans les laboratoires, depuis les 3,8% publiés par des chercheurs japonais en 2009 jusqu’à atteindre 21,1% en mars dernier au centre PV de l’EPFL à Lausanne (après 20,02% juste quelques semaines plus tôt, voir notre article). Une performance que la société d’études britannique n’hésite pas à comparer aux 21,7% obtenus avec des modules solaires CIGS, une technologie en développement depuis bien plus longtemps [NDLR : le dernier record en laboratoire a été établi à 22,3% par Solar Frontier en décembre 2015, voir notre article]. A noter que l’envol des pérovskites a vraiment démarré en 2012, comme en témoigne le graphique du NRE sur les rendements de conversion atteints en laboratoire, régulièrement mis à jour par le laboratoire américain.
De la R&D partout dans le monde, en France aussi
« Si la question du rendement semble avoir trouvé réponse, d’importants travaux restent à effectuer au niveau de la stabilité des matériaux et de la répétabilité des performances en production avant de passer à la commercialisation », reconnaît toutefois Tyler Ogden, associé chez Lux Research et auteur d’une récente étude portant sur l’avènement des pérovskites et sur les meilleurs laboratoires partenaires pour les industriels. « Au niveau performance, le potentiel des pérovskites a été démontré, ce qui pourrait susciter des essaimages à partir des groupes de R&D. Les industriels devraient donc s’y intéresser », souligne-t-il. Pour préciser les opportunités pour les industriels, Lux Research a listé certains partenariats existants comme, par exemple, celui de Dyesol avec le laboratoire de Michael Grätzel, l’inventeur des cellules solaires à pigments photosensibles (à l’origine de Dyesol), à l’EPFL à Lausanne, ou encore la jeune pousse britannique Oxford Photovoltaic avec l’université d’Oxford (sous la direction de Henry Snaith, considéré comme un expert des pérovskites), la société polonaise Saule Technologies qui aurait sourcé sa technologie à l’université de Valence, ou encore Front Materials qui a coopéré avec la National Taiwan University. En France, différents laboratoires travaillent sur les cellules solaires à pérovskite (EDF R&D, CNRS, IRDEP, Chimie ParisTech, ECE Paris) comme en témoigne la session dédiée à cette technologie à la conférence PVTC 2016 qui se tient le mois prochain, du 9 au 11 mai, à Marseille. Les équipes de l’INES ont obtenu un rendement de conversion de 17% sur substrat verre (cellule solaire de 13 mm²), et 11% à l’échelle du module, avec une architecture planaire simple et un procédé complet basse température (moins de 150°C). Des rendements de 9% ont également pu être atteints sur substrats flexibles. Selon les chercheurs, cette technologie peut faire émerger de nouvelles applications pour les modules flexibles de type organiques mais avec des performances supérieures à 15%, et permet aussi d’envisager des dispositifs tandems combinant silicium et pérovskites avec des perspectives de rendements de 30%.
Selon Lux Research, la plupart des laboratoires universitaires travaillent déjà en partenariat avec des entreprises industrielles mais des opportunités prometteuses de coopération existeraient encore notamment avec l’université Sungkyunkwan, à Séoul (Corée du Sud), ou l’université de Californie à Los Angeles, aux Etats-Unis, ainsi qu’avec l’Institut Weizmann en Israël ou encore l’université technologique Nanyang de Singapour. Sans oublier les universités chinoises qui seraient leader dans les publications scientifiques portant sur les cellules solaires à pérovskites avec environ le quart de tous les articles publiés, autant que l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse réunis. Pour Lux Research, les recherches semblent toutefois plus avancées en Israël, en Suisse, à Singapour et au Royaume-Uni, et les publications plus intéressantes et plus percutantes, qu’en Chine.
A noter que des travaux sont aussi effectués sur les cellules solaires à pérovskite dans le cadre de l’initiative Solliance qui regroupe un grand nombre d’entités de R&D des Pays-Bas, de Belgique et d’Allemagne (ECN, imec, TNO, Holst Centre, TU/e, Forschungszentrum Jülich, University Hasselt et Delft University of Technology). Le groupe japonais Panasonic vient également de rejoindre cette initiative afin de pouvoir accéder aux équipements de production (roll-to-roll) et au savoir-faire de Solliance, pour le développement de sa technologie PSC (Perovskite Solar Cell) sur substrat souple.
*Les pérovskites sont des matériaux de la grande famille des minéraux de formule chimique type CaTiO3. Ceux utilisés pour le photovoltaïque sont dits hybrides, avec des composés organiques et inorganiques, qui se distinguent par une structure cristalline particulière garantissant à la fois une bonne séparation des charges électriques et leur mobilité ainsi qu’une bonne absorption de la lumière du soleil et un faible coût de fabrication. Parmi les problèmes qui restent encore à résoudre pour les applications des pérovskites dans le photovoltaïque figurent la stabilité notamment en température et la sensibilité à l’humidité. Enfin, leur composition est aussi un souci, la présence potentielle de plomb (même sous forme de résidu) pouvant exclure leur utilisation dans les cellules solaires, au même titre que le plomb a été banni des appareils électroniques.
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