PV : la CRE défavorable aux appels d’offres pour le soutien à l’innovation
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a mis en ligne le 4 avril dernier sa délibération en date du 23 mars sur le projet de cahier des charges de l’appel d’offres dédié aux installations de production d’électricité innovantes à partie de l’énergie solaire. Elle est défavorable, sur le principe, à l’organisation d’un tel soutien. Selon la CRE, un appel d’offres est un mécanisme pertinent pour stimuler la concurrence sur des installations standardisées et industriellement matures. Pour l’innovation, un appel à manifestation d’intérêt semble plus adapté.
L’appel d’offres porte sur la réalisation et l’exploitation d’installations solaires situées en France métropolitaine continentale. Il prévoit trois périodes de candidature successives, dont les dates limites de dépôt des offres s’étalent du 1er septembre 2017 au 30 août 2019, pour une puissance cumulée de 210 MW.
Le volume est réparti sur plusieurs familles d’installations PV :
-installations de puissance comprise entre 100 et 500 kWc faisant appel à de nouveaux concepts d’intégration et à des innovations en termes de fonctionnalité (par exemple solaire photovoltaïque et solaire thermique) pour une puissance cumulée de 5 MW par période ;
-installations de 500 kWc à 3 MWc avec d’autres innovations aux niveaux matériaux et composants pour une puissance cumulée de 15 MW par période ;
-installations de 500 kWc à 3 MWc intégrant des innovations au niveau système, notamment sur l’architecture électrique, pour une puissance cumulée de 10 MW par période ;
-installations de 500 kWc à 3 MWc avec des innovations liées à l’optimisation et à l’exploitation électrique (outils de prévision, suivi de la course du soleil, supervision, maintenance, gestion de la production, mise en réseau avec stockage, etc.) pour une puissance cumulée de 30 MW ;
-installations de 500 kWc à 3 MWc dites « agrivoltaïques » avec couplage d’une production agricole prépondérante à une production photovoltaïque, offrant une synergie de fonctionnement pour une puissance cumulée de 10 MW par période.
Les lauréats de l’appel d’offres devraient bénéficier soit d’un contrat d’achat soit d’un contrat de complément de rémunération dont le niveau est fonction du prix proposé par le candidat dans son offre. Une prime de 3 euros/MWh s’ajoute pour les projets prenant l’engagement d’un financement participatif.
Les critiques et souhaits de la CRE
La CRE est critique à la fois sur la procédure prévue par le projet de cahier des charges et sur l’évaluation des offres. Plus généralement, elle estime qu’un dispositif permettant d’analyser au cas par cas l’efficacité et la viabilité de solutions innovantes, tel qu’un appel à manifestation d’intérêt (AMI), semblerait plus adapté pour identifier des solutions à généraliser.
Elle considère que la méthode choisie, avec la puissance unitaire des projets, la puissance cumulée appelée et les trois périodes définies à l’avance sans possibilité de retour d’expérience après chaque période, va à l’encontre d’une approche par étape plus appropriée à valider la pertinence des solutions techniques nécessitant des fonds publics importants.
Dès lors, elle estime que, pour la procédure déjà engagée, il est nécessaire de modifier l’appel d’offres comme suit :
-une seule et unique période de candidature d’une puissance cumulée modérée de 70 MW et attendre un retour d’expérience avant la mise en place d’une deuxième période ;
-la suppression de la segmentation des installations éligibles par familles d’innovations au profit d’une segmentation par puissance d’installation ;
-la fixation d’un prix plafond de 150 euros/MWh. De plus, la définition des installations pouvant candidater dans chacune des familles engendrerait en effet des différences dans la nature des innovations déployées et impliquerait des écarts importants dans les coûts d’investissement. Le prix plafond devrait donc être modulé par famille d’installations.
La CRE précise ne pas disposer de retours d’expériences suffisants pour estimer les surcoûts engendrés par les innovations, mais estime que les deux appels d’offres lancés en 2015 où la contribution à l’innovation représentait entre 10 et 15% de la note finale ont permis d’attester que les candidats étaient en mesure d’intégrer un caractère innovant à leurs projets tout en proposant des prix compétitifs. Elle considère donc que le prix plafond proposé pour la première période [NDLR : jusqu’à 200 euros/MWh] est tout à fait excessif.
Elle souhaite en outre :
-une grille de notation détaillée des critères d’évaluation du caractère innovant par l’Ademe ;
-un critère éliminatoire plus précis relatif à la pertinence des projets « agrivoltaïques » ;
-la fourniture d’un plan d’affaires par le candidat au titre des pièces exigées dans les offres de candidatures.
Sur ce dernier point, la CRE estime, comme indiqué dans ses précédents avis sur des projets de cahiers des charges, que la vérification de cette pièce permettrait d’apprécier plus efficacement le sérieux d’une candidature. Cette pièce serait essentielle à la connaissance des coûts des filières renouvelables, et permettrait à la fois d’assurer un bon dimensionnement des soutiens financiers, de diminuer leur poids sur les finances publiques et d’éviter les effets d’aubaine. Sa délibération a été transmise à la ministre en charge de l’énergie ainsi qu’au ministre de l’économie et des finances et au secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics.
Pour consulter la délibération de la CRE, cliquer ici
L’appel d’offres a, lui, été publié sur le site de la CRE le 6 avril 2017. L’échéance de la 1ère période a été fixée au 2 octobre 2017. Pour en savoir plus, cliquer ici
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